Loi Sapin II, innovations et modernisation de la vie des affaires
Entrée en vigueur le 11 décembre 2016, la loi SAPIN II (« Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ») ambitionne d’ériger la législation française parmi les meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption. C’est un véritable arsenal de dispositions qui est introduit en droit français, il s’articule autour de trois principaux apports :
- La création d’un statut du lanceur d’alerte
Véritable nouveauté du texte, le statut du lanceur d’alerte s’institutionnalise et se dote d’un régime juridique complet. Le lanceur d’alerte, qui est nécessairement une personne physique, voit ainsi sa définition consacrée à l’article 6 de la loi SAPIN II comme étant la personne qui révèle ou signale, de manière désintéressée ou de bonne foi, un crime ou un délit, ou encore la violation d’en engagement international ratifié par la France. De nombreuses conditions encadrent donc le bénéfice de la protection qui sera in fine accordée aux lanceurs d’alertes : l’exigence de bonne foi et d’une action désintéressée semblent en être les principales limites.
L’introduction d’un tel statut est également à mettre en perspective avec la possibilité de rémunérer, à titre expérimental, les lanceurs d’alertes en matière de fraude fiscale internationale prévue à l’article 109 de la Loi de finance du 29 décembre 2016. Et pour cause les deux dispositifs sont amenés à être utilisés en synergie. La mise en pratique de ces mécanismes reste toutefois sujette à débats, des critiques s’élevant d’ores et déjà à l’encontre de la procédure d’alerte prévue par le texte.
- La mise en place d’un dispositif ambitieux de lutte contre la corruption
A l’instar des législations anglaise (UK Bribery Act) et américaine (Federal Corrupt Practices Act), la loi Sapin II dote désormais la France d’un dispositif complet de lutte contre la corruption. Outre la création d’une Agence française anticorruption, le texte prévoit plusieurs obligations à la charge des entreprises visant à prévenir et faire reculer la corruption. Ainsi les entreprises de plus de 500 salariés qui réalisent plus de 100 millions de chiffre d’affaires sont soumises à de très nombreuses mesures et doivent désormais disposer d’un code de conduite, d’une cartographie des risques, ainsi que de cadres formés à identifier les risques de corruption. Pour autant le champ de la loi est encore plus large puisqu’elle impose à toute entreprise de plus de 20 salariés de mettre en place un dispositif d’alerte interne, dit whistleblowing. Alors que les grandes entreprises s’accommoderont assez bien de ces nouvelles obligations, les plus petites risquent d’avoir plus de difficultés à se mettre au pas puisqu’elles ne disposent pas forcément, en interne, d’un service adapté à la mise en place de cette réglementation.
Ces mesures témoignent de l’importance croissante de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprise) et du phénomène de compliance. Et pour cause si ces exigences émanaient auparavant du public et ne s’imposaient aux entreprises que sous la forme de soft law, elles sont désormais consacrées par la loi et deviennent contraignantes. A cet égard les amendes prévues en cas de manquement à l’obligation de prévention contre la corruption s’élèvent jusqu’à 200 000 euros pour les dirigeants personnes physiques et 1 million pour les personnes morales.
- Une volonté marquée de modernisation de la vie des affaires
Là encore la loi SAPIN II apporte un large éventail de mesures qui s’inscrivent dans une optique de transparence financière et de modernisation de la vie des affaires. Sans doute la plus emblématique d’entre elles, la consécration du « Say on Pay » vise à rendre contraignant le vote sur la rémunération des dirigeants par les actionnaires de sociétés cotées. Si cette pratique existait déjà dans d’autres pays (anglo-saxons notamment), elle ne liait auparavant pas les dirigeants d’entreprises française : le Conseil d’Administration de Renault avait ainsi pu outrepasser la consigne de l’assemblée générale des actionnaires en 2016. Désormais, la loi Sapin II, complétée par un décret d’application du 16 mars 2017 met en place une procédure définie qui encadre à la fois les dirigeants concernés par cette mesure, les rémunérations qui entrent dans son champ, et les modalités du vote en lui-même.
Ainsi la loi SAPIN II, désormais appuyée de la plupart de ses décrets d’application, devrait modifier sensiblement la pratique des affaires. Et si l’on ne pourra juger de ses effets que dans quelques années, c’est dès aujourd’hui que les entreprises prennent la mesure des changements amorcés. LD