Retour sur le séminaire organisé par la DGAC du 6 au 8 février 2018 : « Drones : comment encadrer une activité jeune et en forte croissance ? »

A l’image du ciel sud-coréen éclairé par 1200 drones lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Pyeongchang 2018, le drone occupe un peu plus chaque jour l’espace aérien en basse couche. En effet, leur utilisation, notamment pour des activités de travail aérien, connaît un développement rapide. « Comment encadrer une activité jeune et en forte croissance ? » : tel fut le thème du séminaire magnifiquement organisé sur trois jours par la DGAC et auquel le cabinet s’est rendu.

SELENE avocats en profite pour remercier tous les organisateurs pour la qualité de ces trois journées.

Riche d’enseignements, diverses thématiques ont été abordées : caractéristiques générales et évolution de la filière en France ; réglementation française en matière d’utilisation de l’espace aérien, de navigabilité, d’exploitation et de compétence des pilotes ; enjeux de la surveillance de l’activité ; enjeux de l’information du public sur les règles applicables (publication et communication) ; méthodes de lutte contre les utilisations malveillances (détection, identification, interception) ; retours d’expérience et témoignages des professionnels.

L’objet de cet article n’est pas de livrer un résumé de chacune des interventions, toutes de qualité, mais plutôt de mettre en exergue un sujet technique et complexe dont les enjeux et solutions ont été expliqués de manière claire et intelligible : U-Space. Relevant essentiellement du domaine de l’ingénierie, il est néanmoins essentiel pour le droit de comprendre le fonctionnement et les enjeux de ce projet.

Les statistiques délivrées par la DGAC montrent que l’espace aérien va de plus en plus être utilisé par les drones (1). Le développement de « U-Space » est donc un levier clef et nécessaire pour le développement de la filière (2). Toutefois, le développement est long, couteux et va soulever plusieurs problématiques, notamment en matière juridique.

  1. Statistiques témoignant du développement rapide de l’utilisation des drones pour des activités de travail aérien (DGAC)

Tableau 1 : Hors loisirs et expérimentation (2018)

  Exploitants Drones
Total 5232 9588
Scénario S1 5155 9286
Scénario S2 2509 4053
Scénario S3 4988 8156
Scénario S4 23 33

 

Tableau 2 : Répartition par activités particulières (2016)

Activités Exploitants Heures
Audiovisuel/Publicité/Communication/Spectacle 1567 49119
Agriculture/Environnement (relevés, épandages) 214 6402
Topographie/Cartographie/Volumétrie/géophysique 440 7787
Surveillance infrastructures linéaires 142 2384
Surveillance bâtiments/Ouvrages d’art/Infrastructures 387 6171
Immobilier 467 5310
Sûreté/Gestion de crise/Sécurité civile 61 690
Logistique/Transports 10 42
Formation au télé-pilotage 471 28856
Autres 428 8862
                                                                                                           Total 115623


En 2035 les statistiques prévoient qu’il y aura plus de 400.000 drones professionnels en Europe
. A titre de comparaison, aujourd’hui, l’aviation commerciale compte 80.000 appareils. Il apparait donc essentiel d’organiser le trafic aérien des drones : entre eux mais aussi avec les aéronefs habités (2).

  1. U-Space : un ensemble de services pour l’intégration des drones dans l’espace aérien

Qu’est-ce que « U-Space » ? U-space est un ensemble de services et de procédures spécifiques conçus pour permettre à un nombre important de drones d’avoir un accès sécurisé, efficace et sûr à l’espace aérien. Ces services s’appuient sur un haut niveau de digitalisation and d’automatisation des fonctions, qu’ils soient embarqués sur le drone lui-même ou qu’ils  fassent partie de l’environnement au sol.

Quatre phases de développement, auxquelles on associe des besoins technologiques, ont été identifiées par l’Europe :

  • Phase 1 (U-Space foundation services) : e-enregistrement, identification, geofencing

 

  • Phase 2 (U-Space initial services) : planification et approbation des vols, tracking, information dynamique sur l’espace aérien, interface avec ATC ;

 

  • Phase 3 (U-Space advanced services) : gestion de capacité des espaces, assistance à la déconfliction (entre drones mais aussi avec les aéronefs habités), fiabilité du lien C2, détection et évitement automatique ;

 

  • Phase 4 (U-Space full services) : interface intégrée avec l’aviation habitée, très haut niveau d’automatisation, connectivité et numérisation

 

L’avènement de « U-Space » suppose toutefois un réel investissement dans la recherche et le développement. En effet, les besoins d’intelligence artificielle, d’autonomie décisionnelle et, de collecte de données (big data) sont essentiels au bon fonctionnement des différents services proposés.

Quant au droit, il est évident que cette intégration des drones dans l’espace aérien va soulever des questions. Qui aura la priorité entre un drone et un aéronef traditionnel ? Quid de la responsabilité en cas de collision ? Quid des règles d’assurance ? Quid des nuisances pour les personnes au sol ? Quid du respect de la vie privée et de la protection des données personnelles ?  Quid de la normalisation, marquage CE pour garantir l’intégration de drones standardisés et certifiés ? Ce sont autant de questions auxquelles il faudra apporter des éléments de réponse.