L’aviation décarbonée : enjeu du futur ?

SELENE Avocats a eu le plaisir d’assister au Colloque de grande qualité « L’aviation décarbonée, enjeu du futur ? » organisé par la CNEJAE le 20 octobre 2022 au Centre de conférences Grand Poitiers.

Intervenants :

  • David Gallezot – Président des avions Mauboussin
  • Laure Singla – Expert spécialisée des questions environnementales
  • Alain Battisti – Président de la FNAM et de la compagnie Chalair

Les échanges ont été magnifiquement animés par Philippe Julienne, secrétaire général de la Compagnie Nationale des Experts de Justice en Aéronautique et Espace (CNEJAE) en présence notamment de  Mme Françoise Ballet-Blu, députée de Poitiers et M. Philippe Faravel, président du Cercle aéronautique du Parlement.

L’aviation civile est aujourd’hui un acteur social et économique incontournable. Le transport aérien désenclave les territoires, contribue aux échanges internationaux et à la croissance économique. Sa part dans le PIB français s’élève à 4,2% ; l’aviation civile représente 320 000 emplois directs et en 2019, le nombre de passagers d’élevait à 210 millions.

Cependant, le transport aérien contribue également à l’émission des gaz à effets de serre. Si sa part dans les émissions mondiales est relativement faible (2,4%), l’augmentation du trafic prévue et l’urgence de la crise climatique imposent au secteur d’investir massivement dans la recherche et le développement pour réduire cette pollution (et ce, en collaboration – indispensable – avec toutes les parties prenantes au plan européen et mondial).

Le secteur aéronautique a pris des engagements ambitieux, aux niveaux international, européen et national pour réduire ses émissions. De nombreuses initiatives et les premières réussites laissent entrevoir une aviation du futur mettant en œuvre des solutions diversifiées pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Tout d’abord, sur le plan technique, les solutions sont pensées en fonction du type de trajet :

  • Pour les vols court et moyen courrier, des solutions basées sur des moteurs électriques ou hybrides peuvent être envisagées. Pour la mobilité régionale notamment, des avions légers et silencieux sont déjà construits, notamment par Mauboussin. Un des carburants possibles serait l’hydrogène, à condition notamment d’être en mesure de le produire sans recours aux énergies fossiles.

Dans l’hypothèse d’un recours à l’énergie électrique, les difficultés principales tiennent à l’autonomie encore réduite et aux risques inhérents au fait d’embarquer une batterie à bord qui résiste difficilement aux conditions physiques du vol.

  • Pour les vols long courrier, il est, pour l’heure, inenvisageable de se passer de carburant, mais la solution la plus prometteuse pour réduire les émissions est le recours au Sustainable Aviation Fuel (SAF). S’il n’est pas encore disponible en quantité suffisante et à un tarif encore peu raisonnable (au moins 6 fois plus cher que le kérozène), le SAF a fait ses preuves sur le plan technique : dans le cadre de l’une des expérimentations, des avions de ligne ont relié les aéroports de Orly et Toulouse en fonctionnant à 50% au SAF.

 

Ces évolutions techniques doivent être accompagnées par une réglementation qui, elle aussi, est engagée dans une recherche constante de solutions adaptées. Des voies d’amélioration existent et les avancées techniques créeront indéniablement la confiance nécessaire pour des normes adaptées. A titre d’exemple, on notera les exigences de formation pour les pilotes sur ces nouveaux appareils électriques : elles gagneraient à s’inscrire encore plus en cohérence avec celle pour les avions thermiques, afin de faciliter la transition. Sans aucun doute, les preuves du succès des avions électriques parviendront à convaincre que ces évolutions sont possibles.

Sur le plan réglementaire également, une des voies d’amélioration envisagées serait une clarification des objectifs de réduction des émissions avec l’adoption de règles contraignantes assorties de contrôles effectifs. Des lignes directrices claires aideront les compagnies, les avionneurs et tous les acteurs de l’aviation à orienter leurs efforts de décarbonation.

La tâche du régulateur est particulièrement ardue : si l’aviation est, depuis toujours, un domaine technique, édicter des normes pour en orienter l’évolution demande une compréhension très fine de l’état de la recherche. A cet égard, l’expérience de l’expert de justice apporte un éclairage précieux car il est le seul à même d’apporter une compréhension des enjeux réglementaires en même temps qu’un savoir technique.

Enfin, la réduction des émissions devra nécessairement passer par l’encouragement et l’amélioration des solutions d’intermodalité : une meilleure correspondance entre les transports aériens, ferroviaires et routiers permettra d’optimiser le parcours du passager et lui permettre de choisir le mode de transport optimal.

On retiendra que le secteur aérien dans son ensemble est mobilisé pour développer des solutions. Un changement de mentalités est en cours et l’avenir sera aux solutions multiples : il n’y aura pas de technologie prépondérante qui puisse seule répondre à tous les besoins, mais des phénomènes de compromis permettront de trouver un ensemble de solutions pour parvenir aux objectifs définis.  Le changement ne pourra pas non plus se faire sans la confiance des usagers qui devra être obtenue par la démonstration que les avions fonctionnant  à l’énergie décarbonée restent un moyen de transport sûr.

Françoise Ballet-Blu, députée de Poitiers a conclu les échanges en réaffirmant son soutien aux initiatives d’innovation. Les avancées déjà réalisées et les efforts de l’industrie rendent optimiste : les progrès déjà réalisés laissent entrevoir une aviation du futur responsable, tant dans son rôle sociétal que dans la maîtrise de ses impacts.

En conclusion un magnifique colloque et merci aux organisateurs !

Et pour finir, une réflexion de SELENE Avocats un tantinet « subversive » ( ?!) : et si l’avenir de l’aviation était conditionné à sa décarbonation, mais également à la réduction du trafic passager et fret à un seuil plus raisonnable ? (prenant notamment en compte le véritable coût du transport aérien et «l’utilité sociale » des déplacements ? ).