« Avec le datalink, le système de gestion du trafic aérien sera plus sûr et plus performant, grâce à l’utilisation de messages préformatés et à une réduction du nombre de messages à répéter, alors que la transmission orale nécessite un collationnement systématique qui n’empêche pas certaines erreurs et incompréhension. » – Sylvie Chambon, directrice du programme datalink à la Direction des services de la navigation aérienne (Aviation civile magazine n° 379 – Mars 2017).
Depuis de nombreuses années, les communications air-sol dans l’aéronautique consistent généralement en une série d’instructions. Ces instructions peuvent être destinées à un aéronef plutôt qu’à un autre, peuvent comporter des chiffres (un cap à suivre, un niveau de vol à respecter), et être, parfois, sinon obscures, du moins être mal entendues ou comprises. Pour cette raison, des confusions et des erreurs peuvent se produire, et avoir des conséquences dramatiques. On en veut pour preuve le malheureux exemple survenu lors de la Catastrophe de Tenerife en 1977, due à une mauvaise compréhension des messages radios ; cette catastrophe, qui avait vu deux Boeing 747 entrer en collision, avait fait 583 victimes.
Depuis toujours, la parade consistait pour le contrôle aérien à imposer aux pilotes le « collationnement » des instructions fournies, en principe de façon claire et concise ; en d’autres termes, il s’agissait pour les pilotes de répéter lesdites instructions quasiment « à la lettre » pour éviter tout risque d’erreur et permettre au contrôle aérien de vérifier qu’il a bien été compris.
Afin d’être complet, tout ne doit pas être collationné, uniquement les éléments importants. Ainsi quand le message “autorisé décollage piste 22, vent du 310, 8 nœuds” est entendu, le bon collationnement doit être “autorisé décollage piste 22”. Le vent est une information, et son collationnement n’est pas requis. En revanche, une autorisation au décollage est importante, et doit être collationnée. Les éléments importants sont ceux qui correspondent à des instructions (clairance) comme dans cet exemple où un avion a contacté un aérodrome contrôlé comme Pontoise ou Toussu pour pénétrer dans sa zone de classe D et en vue de s’y poser :
Contrôle : “Fox Alpha Bravo, autorisé à pénétrer, le QNH 1013, piste en service 22, transpondeur 5123, rappelez passant verticale”
Collationnement : “Pénétrons, QNH 1013, piste 22, transpondeur 5123, rappellerons passant verticale, Fox Alpha Bravo”
Les éléments devant notablement être collationnés sont les autorisations (alignement, décollage, atterrissage) ou ordres (code transpondeur, changement de fréquence, altitude) et les informations nécessaires à la sécurité de tous (pistes en services, calages altimétriques QNH ou QFE)
Pour faire face à l’augmentation du trafic aérien, l’amélioration du contrôle passe désormais par le développement d’outils numériques qui viennent compléter les pratiques déjà existantes.
Initialement destiné à gérer l’espace aérien qui surplombe les océans, le datalink peut désormais compléter le radar et la voix pour transmettre les données relatives au trafic.
Aujourd’hui, la position de chaque avion fait l’objet d’une surveillance automatique via l’Automatic Dependant Surveillance – Contract (ADS-C). Si le vol de l’appareil est régulier, la surveillance consiste en la transmission périodique de « contrats automatiques » par la tour de contrôle. Si l’avion dévie sa trajectoire et sort de son tracé, le mode de surveillance change afin de l’aider à se repositionner sur une route autorisée.
Grâce à un nouveau système directement implémenté dans les aéronefs, les informations transmises par les calculateurs de bord seront rassemblées et transférées par voie satellitaire vers les appareils de contrôle au sol. Ils seront mis à jour et consultables instantanément sur les moniteurs et assortis de messageries électroniques pour garantir un dialogue permanent entre les pilotes et les contrôleurs.
Si les moyens actuels de communications restent la radiotéléphonie et le radar secondaire, la modernisation des instruments est imminente.
Mais malgré les atouts indéniables que présente l’introduction du datalink dans ce secteur, celui-ci n’est pas à l’abri des risques de piratage et de détournement. Les acteurs de la sûreté et de la sécurité doivent donc prendre en compte ces nouveaux dangers qui peuvent être fatals aux pilotes. La transmission de fausses informations est désormais une possibilité qu’il faut apprendre à contourner par davantage de cryptage ou par la mise en place de clés spécifiques.
Dans la droite ligne du projet SESAR (Single European Sky ATM Research), programme technique européen de modernisation du contrôle aérien, ce nouveau système basé sur le datalink est en passe de constituer le pilier technologique du Single European Sky (Ciel unique européen). La distribution en masse de cette technologie vise à augmenter l’efficacité du contrôle et à harmoniser le trafic aérien.
Ce projet SESAR est l’équivalent européen du projet NextGen, système de transport aérien de nouvelle génération qui a vocation à être déployé jusqu’en 2025 aux Etats-Unis. Basé sur les signaux des satellites, ce système a pour but d’améliorer la communication en réduisant le nombre d’outils et d’interfaces utilisateurs existant et en centralisant les bases d’informations actuelles.
Cette évolution parallèle vise à doter l’Europe et lest Etats-Unis d’une infrastructure de contrôle du trafic aérien moderne et performante pour les années à venir et s’assurer de garantir sur le long terme une efficacité et une sécurité pour tous les vols effectués dans leur espace aérien.
A n’en pas douter, ce changement important dans les communications contrôleur-pilote pourra constituer une « bonne nouvelle » pour certains dans le cadre des réflexions sur les moyens d’intégration des drones civils dans la navigation aérienne (la « liaison » étant facilitée entre les contrôleurs aériens et les télépilotes) ; à l’inverse, et pour revenir aux avions de ligne, les détracteurs de ce changement viendront expliquer que l’ADS-C n’empêchera pas, malheureusement, que se renouvelle une catastrophe comme celle de l’avion kamikaze de la compagnie Germanwings…