Etat d’urgence et Etat de droit : l’un ne va pas sans l’autre
Le Conseil d’Etat, dans une ordonnance en date du 5 septembre 2016, a refusé pour la première fois l’exploitation par le Ministère de l’Intérieure de données personnelles saisies sur des téléphones portables dans le cadre de l’état d’urgence.
Il était question en l’espèce d’une perquisition administrative menée au domicile d’un couple, à Lutterbach près de la ville de Mulhouse, dans le cadre de l’état d’urgence, au motif que ces personnes étaient suspectées d’appartenir à la mouvance radicale islamiste.
Le juge du référé du tribunal administratif de Strasbourg avait préalablement rejeté la demande du Préfet d’autoriser cette saisie.
Le Conseil d’Etat a suivi cette décision, en rejetant le recours du Ministère de l’Intérieur
En effet selon la haute juridiction administrative, le fait que les fichiers saisis, sur lesquels aucune précision n’a été par ailleurs apportée, soit en langue arabe ne permet pas de justifier que les comportements des personnes concernées constituent une potentielle menace pour la sécurité et l’ordre public.
Par cette ordonnance, le Conseil d’Etat vient rappeler que nous sommes avant tout dans un Etat de droit, et ce malgré l’état d’urgence déclaré depuis le décret du 14 novembre 2015.
Les juges du Palais Royal avaient pourtant rejeté la demande faite par des associations de déclarer illégal le décret du 24 décembre 2014 relatif à l’accès administratif aux données de connexion (CE 12 février 2016 n° 388134).
Dans cette affaire, les associations considéraient que ledit décret portait atteinte au respect de la vie privée et familiale, au droit à la protection des données à caractère personnel et à la liberté d’expression, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux, mais le Conseil d’Etat n’avait pas donné droit à leur demande.